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Le
début du siècle
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Le
début du siècle...
Le
premier juillet 1900, la société J.Luc Patin et Cie, devenue
depuis 1894 Sté Patin et Frères, est transformée en société
par actions, avec un capital action de 820 000 DM. Les bâtiments,
d'aspect extérieur modeste, sont le siège d'une activité intense
et continue du matin au soir, certaines machines, comme les
tonneaux de retannage, fonctionnant même la nuit.

Les vastes locaux contiennent toutes les phases de fabrication
du cuir et la tannerie produit elle-même l'électricité nécessaire
à son fonctionnement avec deux moteurs. d'une force totale
de cent vingt chevaux, elle consomme n tonnes de charbon par-
jour! La gravure de la page suivante permet d'apprécier l'envergure
des bâtiments de la tannerie au début du siècle. En 1907 la
tannerie avec ses quarante employés, produit douze mille à
quinze mille cuirs de vache par an. Mais l'augmentation du
prix des matières premières, à partir de 1912 que ne peuvent
suivre les prix des produits fabriqués sous peine de perte
de compétitivité, entrave des résultats stériles pour les
actionnaires de l'établissement. Par exemple, le bilan du
30 juin 191'c mentionne un bénéfice de 3982 DM, mais qui sera
entièrement versé aux réserves. A partir de 1914, la tannerie
augmente sa production, destinée intégralement à l'armée allemande.
Cependant, en 1915, la tournure que prend la première guerre
mondiale inquiète le Haut Commandement allemand, qui donne
alors l'ordre au directeur (allemand) de la tannerie d'envoyer
en Bavière tous les stocks de marchandises qui s'y trouvent
de sorte qu'en 1918, lorsqu'il redevient, avec l'Alsace-Moselle,
français, l'établissement est entièrement vide. A l'armistice,
c'est Monsieur Grosjean qui prend la direction de l'affaire,
après que l'ancien directeur ait résilié ses fonctions. Il
entreprend de remettre sur pied la tannerie et de lui faire
recouvrir son prestige. Tout en continuant la production de
cuir lissé pour chaussures, elle se lance dans la fabrication
de cuirs industriels (pour courroies en particulier), marché
très prometteur en Moselle où l'industrie sidérurgique est
dans ses années de gloire. Si l'on en juge par les chiffres
de production de l'établissement, les attentes de Monsieur
Grosjean s'avèrent pleinement satisfaites.
Année
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Production
journalière
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1919 |
40
cuirs |
1921 |
100
cuirs |
1930 |
500
cuirs |
Les
produits de la Manufacture Lorraine de Cuirs (Manulor) sont
très prisés tant par les manufactures de chaussures que les
industries, puisque le cuir à courroies, défiant toute concurrence,
est classé premier sur le marché européen. La tannerie travaille
en effet beaucoup pour l'exportation. L'Allemagne, la Hollande,
la Belgique, le Luxembourg, la Suisse, la Pologne (Dantzig),
ou encore l'Autriche sont ses principaux clients. Dans la
nuit du 8 septembre 1927, un incendie, vraisemblablement provoqué
par un court circuit, se déclare dans les locaux de la Manufacture,
qu'il détruit intégralement, excepté un bâtiment (qui se trouvait
un peu à l'écart à l'emplacement de l'actuel parking).
Etant
donné I'importance de l'établissement dans la vie économique
de la région, et surtout du village de Saint Julien dont
il constitue véritablement le cour, sa reconstruction
semble impérative. Elle se fait donc immédiatement, et
M. Grosjean en profite pour munir la tannerie de tous
les équipements nouvaux, ainsi, en 1928 elle constitue
comme à la veille de la guerre de 1870 un modèle de modernité.
En 1935, le gendre de M. Grosjean, M. Pierre Van Cutsem,
devient le nouveau directeur de la tannerie. Le mariage
de la fille cadette de M. Grosjean et de Pierre Van Cutsem,
propriétaire d'une tannerie d'importance en Belgique (à
Soignies), le 21 juillet 1934 à ST Julien a constitué
un véritable événement pour tous les habitants du village,
ce qui témoigne de la place qu'a alors la Manufacture
dans la vie de celui-ci. L'article paru dans Le Lorrain
à cette occasion en est une bone illustration. |
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En
effet , à cette époque, et tout autant que par le passé, la
vie du village s'articule autour de la tannerie , dont la
centaine d'employés et leurs familles habitent en grande majorité
Saint Julien lès Metz. La Manufacture possède en effet vingt-huit
maisons au village (rue du Général Diou notamment) pour y
loger ses ouvriers. Mais les salaires sont cependant peu élevés
comparés à ceux des employés des autres tanneries de la région,
d'autant plus que l'établissement recrute du personnel déjà
qualifié et expérimenté. Les ouvriers travaillent 8 heures
par jour : de 7h à 13h, et après une pause bien méritée, de
14h à 17h. Ainsi, on dénombre plusieurs grèves du personnel
durant les années 1930, et en particulier en 1936. Si l'on
en croit le témoignage de l'ancien employé qui a eu l'amabilité
de répondre à un certain nombre de mes questions (et que nous
avons déjà mentionné au chapitre 2), les conditions de travail
des ouvriers restent très difficiles, malgré la mécanisation.
Les matières tonnantes et surtout les lambeaux de chair détachés
des peaux par les trancheurs, que les ouvriers appellent "
les nouilles ", provoquent des odeurs très fortes et désagréables.
Les machines, qui fonctionnent en permanence, font énormément
de bruit.
Mais surtout,
les ouvriers travaillent dans une atmosphère très humide (l'eau
étant utilisée presque à chaque étape du tannage) et sont
en contact avec des matières tonnantes dangereuses, puisqu'il
s'agit souvent d'acides forts, comme l'acide sulfurique.
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Pour
s'en protéger, ils portent des bottes à semelles de bois.
Vider les fosses des matières tonnantes constitue d'ailleurs
un travail dangereux. En effet les acides provoquent la
formation de gaz toxiques, c'est pourquoi les ouvriers
doivent se hâter lorsqu'ils descendent au fond des caves
(profondes de 2 mètres), où ils risquent de s'évanouir.
Cependant, peu d'accidents sont survenus, certainement
grâce à la compétence des employés. |
Enfin, les travaux de la tannerie exigent une force physique
à toute épreuve. C'est pourquoi on dénombre très peu de femmes
dans le personnel de la manufacture et la qualité première
exigée de l'ouvrier semble être sa robustesse , comme le montre
la photographie, prise dans la cour de l'établissement au
début du siècle (voir page suivante). NOTE: L'attelage que
l'on peut voir au second plan sert à acheminer les matières
premières (l'écorce de chêne, le charbon, les peaux ... )
de la gare le Metz jusqu'à l'établissement et de même, de
transporter à la gare les cuirs finis.
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